Et si on ouvrait les portes de mon musée intérieur ?
Il y a des phrases qui collent à la peau comme un parfum qu’on aurait toujours porté sans s’en rendre compte. « You are a museum of everything you’ve loved » (tu es un musée de tout ce que tu as aimé) en fait partie. Elle m’a percutée avec la douceur d’un coup de sirocco dans le désert ou la magie d’un lever de soleil sur une plage. J’ai souri. Car oui, je suis un musée. Un joyeux bazar sacré. Et toi aussi, sûrement.
Parce qu’elle dit tout. Elle résume en neuf mots ce que je ressens chaque fois que je rentre chez moi et que je regarde autour : des objets, des livres, des souvenirs qui me racontent. Qui me constituent. Qui sont les témoins de toutes mes amours passées… et présentes. Et si on faisait la visite guidée de ce musée intime ? Attention, il y a de tout. Et surtout, beaucoup de passion.
Les collections de ma vie
Dans mon musée intérieur, il y a de tout. Et surtout, tout ce que j’aime. De l’artisanat local venu des quatre coins du globe, des épices qui sentent le curry de Delhi et la cardamome du Cambodge, des instruments de musique qui ne savent pas lire de partitions mais racontent des histoires envoûtantes. Et que je ne maîtrise pas tous mais que j’apprivoise avec joie. Des tapis aux motifs venus d’Asie centrale ou d’Amérique du Nord, du Sud.
Il y a des livres d’art d’art pour tout savoir, des livres de recettes annotés en marge (ou parfois même des bouts de nappe et des serviettes de café), des livres de religions pour tenter de comprendre à quoi croient les autres et pourquoi, des livres de voyages pour rêver en tournant les pages et bien sûr, des livres pour apprendre les langues, car je suis cette éternelle apprenante, curieuse de toutes les sonorités du monde.
Et puis, trônant comme la Joconde de mon Louvre personnel : Le Petit Prince. Ce compagnon de toujours. Je le relis une fois par an, sans faute. Il me parle autrement à chaque lecture, comme un miroir mouvant de ce que je vis. Toujours, il me touche. C’est peut-être la pièce maîtresse de mon musée. Je le collectionne dans toutes les langues possible. Il est une boussole intérieure, une carte sensible pour naviguer dans les tempêtes et les clartés.
Mon musée à moi n’a pas de murs blancs et de cartels alignés. En fait, il est vibrant, bigarré, vivant. Il déborde. Plus, il sent le cuir et la poussière de sentier battu. Il bruisse de musiques du monde et de mots murmurés en plusieurs langues.
Ce que mes voyages ont accroché aux murs de ma mémoire
Mon musée, c’est aussi une galerie de voyages vécus intensément. Le tour du monde à vélo, à deux mais parfois dans le silence intérieur d’une solitude assumée. Le Groenland en kayak, le désert mauritanien, mes voyages en solo qui forgent et ébranlent à la fois.
Ce que j’en rapporte ? Des objets insolites (bonjour la dent de phoque ou le crâne de dromadaire ! ), du tissu pour me faire des vêtements uniques, des plumes, des recettes, des histoires, des émotions. Mon intérieur en est tapissé : chaque pièce de la maison est une escale, un pays, une culture.
Je vis dans ma propre exposition permanente et j’adore quand mes invités s’y perdent un peu.
Ce musée, c’est aussi une carte du monde en trois dimensions. Chaque pièce de ma maison raconte une région, un souvenir, un moment.
Parmi tous mes voyages, il y en a qui tiennent une place à part, comme un hall d’honneur dans ce musée intime : ne soyez pas trop curieux. Ceux-là, je les garde pour moi.
Une salle à part : les rencontres qui bourleversent
Mais un musée, ce n’est pas que des expositions colorées. Il y a aussi des pièces silencieuses, des œuvres douloureuses mais précieuses.
Il y a une salle plus sombre dans mon musée. Une rencontre qui a changé ma vie. Celle d’un homme que je n’ai pas réussi à sauver. Il m’a échappé, littéralement. Ce jour-là, j’ai compris qu’on ne peut pas tout maîtriser. Que le présent est la seule certitude qu’on ait. Depuis, j’essaie de m’y ancrer. Ce n’est pas toujours facile. Mon mental aime danser entre passé et futur (bonjour l’anxiété ! ), mais j’apprends. À être là. Juste là.
A retenir : même quand on fait tout bien, même quand on donne tout, on peut échouer. Et ça n’enlève rien à la valeur de ce qu’on a donné.
Les œuvres humaines
Certaines “œuvres” de mon musée sont humaines. Vivantes dans mes souvenirs. Mes grands-parents italiens par exemple, qui ont été des piliers dans ma vie, des êtres merveilleux, généreux, lumineux. Inégalables dans leur sagesse, leur chaleur, leur fabulosité. Ils mériteraient une exposition rien que pour eux. Une salle dédiée à l’amour inconditionnel, à la cuisine généreuse et aux mots doux en dialecte.
Une émotion en métamorphose
Du feu au soleil. Autrefois, mon émotion dominante pouvait être la colère. Puis elle s’est changée en détachement, comme un mécanisme de défense.
Aujourd’hui, c’est le cœur ouvert. L’élan. L’envie d’aider. Je me sens solaire. Pas parfaite, mais rayonnante. Je me sens solaire, comme un rayon de lumière qui réchauffe et qui éclaire. J’ai compris que je change les gens non pas par magie, mais par présence. . (Enfin compris, on me le dit tout le temps alors j’essaie de l’intégrer).
Ce n’est pas un pouvoir, c’est une manière d’être. Être là, simplement, sincèrement. Et ça transforme.
Des mots pour dire l’indicible
J’écris. Partout. Tout le temps. Dans des carnets, sur mon blog, dans ma tête. Mais je n’ai pas peur d’oublier. Si j’oublie, c’est que ce n’était pas essentiel. Le reste, je le grave dans les mots, dans les photos, dans ce que je partage avec les autres.
Endless exploration est sans doute celle qui me ressemble le plus aujourd’hui. Car j’aime apprendre, tout le temps. Des langues, des instruments, des pensées. J’aime changer de sport, de pratiques, d’angles de vue. Certains diront que je suis instable. Moi, je dis que je vais au bout de chaque chose jusqu’à ce qu’elle ne m’apprenne plus rien et ensuite je laisse la place à la suivante. Je suis en mouvement. Comme un musée vivant qui renouvelle ses expos.
Et si j’oublie ? C’est que ce n’était pas essentiel. Le reste, je le consigne dans mes carnets, dans mes articles, dans ma mémoire sensorielle.
Visiter mon musée
Si tu venais me visiter, j’aimerais que tu te sentes à l’aise et émerveillé. Curieux et libre. Pas intimidé. Que tu puisses regarder à tout, comme dans un cabinet de curiosités géant. Que tu repartes plus riche : en connaissances, en sourires, en graines de réflexion. Et pourquoi pas avec l’envie, toi aussi, de construire ton propre musée.
Un musée, ce n’est pas une vitrine poussiéreuse. C’est une déclaration d’amour à tout ce qui nous touche, nous façonne, nous bouleverse. Ce que tu aimes te construit. Et ce que tu construis peut devenir merveilleux, si tu le regardes avec tendresse.
Si tu me quittais en te sentant plus riche, plus vivant, plus ouvert… alors j’aurais réussi.
