Entrée en douceur : une ville, une émotion
Marcher dans le Hiroshima Peace Memorial Park, c’est accepter d’être traversée par une émotion à la fois lourde et lumineuse. La ville n’affiche pas seulement les traces d’un passé tragique : elle raconte aussi la volonté humaine de se relever, de se souvenir et d’œuvrer pour la paix. J’ai passé des heures à parcourir les allées, m’arrêtant devant la Bell of Peace, le Cenotaphe, la Flame of Peace et l’A-Bomb Dome chacun de ces lieux invitant au silence, à la réflexion et à l’espérance. Ces monuments sont pensés pour nous rappeler la valeur de chaque vie et la responsabilité collective que nous avons de choisir la paix.
La Bell of Peace : un appel sonore pour le monde
La Bell of Peace (ou Peace Bell) est un de ces objets-signe qui vous prend aux tripes. Dressée dans le parc en 1964 par des survivants et des citoyens engagés, elle porte sur sa surface la carte d’un monde sans frontières et invite quiconque le souhaite à la faire tinter pour la paix. Le son de la cloche n’est pas un simple bruit : il est un acte symbolique, une offrande de souvenir et d’espérance. Son existence me rappelle que les gestes, même humbles, peuvent porter une voix qui traverse les générations.
Le Mémorial et les lieux de mémoire (cenotaphe, flamme, A-Bomb Dome)
Le Cenotaphe central du parc, la Peace Flame et l’A-Bomb Dome forment un triptyque qui raconte la même histoire sous trois angles : mémoire des victimes, promesse d’un monde sans armes nucléaires, et trace matérielle de la destruction. Le Cenotaphe, incliné comme une arche protectrice, porte les noms des victimes ; la flamme brûle en attente d’un jour où elle pourra s’éteindre, le jour où il n’y aura plus d’armes nucléaires. L’A-Bomb Dome, quant à lui, reste immobile, silhouette figée, rappelant l’instant où tout a basculé. Ces lieux m’ont amenée à comprendre que souvenir et action sont intimement liés : on se souvient pour ne pas répéter, et on agit pour transformer la mémoire en progrès.
Les grues en origami : senbazuru, art et prière
Partout dans le parc et près du Children’s Peace Monument, des guirlandes de petites grues en papier flottent au vent. C’est le senbazuru, l’assemblage de mille grues en origami, une tradition japonaise puissante : offrir mille grues, c’est offrir un vœu, un souhait de longévité, de guérison ou de paix. Les grues sont souvent réalisées collectivement, en classe ou en famille, et déposées dans les lieux de mémoire. Elles vieillissent au fil des saisons, se délient, se fanent, et c’est aussi là une poésie : le vœu se libère dans le monde, porté par le papier et par l’intention des mains qui l’ont plié.
Mon senbazuru : patience, confiance et une leçon douloureuse
Il y a quelques mois, j’ai vécu une petite quête personnelle. Portée par un élan de confiance et l’envie de croire en une amitié qui m’appelait, j’ai commencé à plier des grues, lentement, minutieusement, en y glissant toutes mes meilleures intentions. Plier une grue devenait pour moi un rituel : respiration, concentration, intention. J’avais l’espoir que cet acte, humble mais vrai, tisserait quelque chose entre deux personnes. J’ai ainsi réalisé 500 grues, chacune comme une petite offrande de confiance.
Trois mois plus tard, un simple SMS a tout brisé. Les promesses se sont révélées vaines. La douceur que j’avais investie s’est heurtée à une vérité froide : la parole donnée n’avait pas de poids. J’ai été blessée, déstabilisée. C’était la première fois que je faisais face à une telle forme d’hypocrisie et j’ai dû reconnaître une limite. Mais au lieu de me perdre, j’ai choisi d’agir selon une autre logique : respecter ma propre valeur. La dernière volonté que m’avait exprimée cette personne, je l’ai honorée, non pour elle (cette personne), mais pour moi. Parce que je mérite l’intégrité et le respect, et parce que mes gestes doivent me construire, pas me diminuer.
Transformer la blessure en acte d’amour : les 500 prochaines grues
Les 500 prochaines grues ne seront pas pour réparer ce qui était faux. Elles seront pour m’apaiser et pour envoyer un message au monde. Je plierai ces grues pour moi-même, pour tous ceux qui ont été blessés par la parole trahie, et pour la croyance que l’homme peut être meilleur. Chaque pli sera une affirmation : je mérite le respect, la bienveillance et la vérité. Je le fais aussi pour tous ceux qui pensent que la bonté n’existe plus. Je veux prouver que la bienveillance est une force active, pas une faiblesse. Dans le parc d’Hiroshima, entourée des senbazuru des autres, j’ai senti que mes 1 000 grues seraient une offrande à la mémoire et une promesse de résilience.
Ce passage marque un avant et un après. La blessure existe, mais elle ne me définit pas ; elle m’enseigne. Le temps atténuera la douleur, mais c’est l’action, l’art et la création qui me permettront de transformer la peine en sagesse.
Ce que j’emporte de Hiroshima
Hiroshima m’a appris que le souvenir ne doit pas paralyser, mais appeler à la responsabilité. Les cloches, les flammes, les grues et les pierres nous invitent à être des passeurs. Transmettre la mémoire et transformer cette charge en actes concrets de paix et de respect. Pour moi, cela a pris la forme de papier plié, de patience et d’un engagement envers moi-même.
Si tu visites Hiroshima un jour, promène-toi sans hâte. Laisse le parc t’atteindre, sonne la cloche si tu le souhaites, et prends le temps de regarder les senbazuru : ils t’expliqueront. Par la douceur du papier, qu’un vœu collectif peut exister. Et si tu plies une grue, fais-le avec intention, pour la paix, pour quelqu’un qui compte, ou simplement pour toi. Les petites choses font les grands changements.








Merci d’avoir lu. Je partage ce texte avec le cœur léger et la conviction qu’on peut toujours transformer la douleur en force.