Soleils et lunes
Je crois qu’il existe deux types de personnes sur terre. Celles que j’appelle les soleils, et celles que j’appelle les lunes.
Bien sûr, ce n’est pas une vérité scientifique. C’est une manière de voir, une métaphore pour décrire les forces mystérieuses qui animent nos relations, nos rencontres, nos élans de vie. Quand je pense à certaines personnes croisées dans mon existence, je les vois rayonner comme des soleils ou veiller comme des lunes. Et plus le temps passe, plus je me rends compte que ces images m’aident à comprendre un peu mieux les liens invisibles qui nous relient les uns aux autres.
Les soleils
Un soleil, au sens astronomique, c’est une étoile. Et il y en a des milliards, de toutes tailles et de toutes intensités. Dans notre monde intérieur, les personnes-soleils sont celles qui réchauffent tout autour d’elles. Elles entrent dans une pièce et, d’un sourire, elles laissent une trace lumineuse. On se surprend à se sentir mieux simplement parce qu’elles étaient là.
Le soleil, c’est la chaleur, la vie, la force. Mais c’est aussi le feu qui peut brûler quand on s’en approche trop. Les personnes-soleils ont souvent une intensité débordante : elles aiment, elles rient, elles s’enthousiasment avec passion. Elles nous donnent envie de danser sous la pluie, de transformer le quotidien en fête, d’oublier pour un instant la lourdeur des nuages.
Elles rendent l’éphémère un peu plus supportable. Le soleil ne dure jamais, il décline chaque soir, mais on sait qu’il reviendra. Les personnes-soleils, même quand elles s’absentent ou s’effacent, laissent derrière elles une trace de chaleur qui continue de nous accompagner.
Les lunes
Et puis, il y a les lunes. Contrairement aux soleils, elles ne sont pas des étoiles mais des satellites. Elles tournent autour d’un autre astre, fidèles, constantes. Elles brillent d’une lumière qui n’est pas la leur, mais cela n’enlève rien à leur puissance. Les lunes veillent, silencieuses, obstinées.
Une personne-lune, c’est celle qui reste quand les autres s’en vont. Celle qui écoute quand les mots ne sortent plus. Celle dont la présence, parfois discrète, suffit à apaiser. Elle reflète peut-être la lumière d’un soleil, mais elle sait aussi guider dans l’obscurité.
On dit souvent : la lune a ses phases. Oui, elle change de visage, parfois pleine, parfois absente, parfois dissimulée derrière les nuages. Les personnes-lunes ont, elles aussi, leurs moments de retrait. Mais même dans le silence ou l’éloignement, elles demeurent. Rien n’est plus solide qu’une lune qui veille.
Elles tiennent la gravité autour d’elles. Sans la lune, les marées ne danseraient pas. Sans la lune, l’équilibre du monde serait rompu. Elles exercent cette force invisible : elles maintiennent, elles rassemblent, elles apaisent.
Ni l’un ni l’autre, ou peut-être les deux
Alors faut-il être soleil ou être lune ? Je crois que la question n’a pas vraiment de sens. Parce que l’un ne va pas sans l’autre.
Un soleil qui n’a pas de lune risque de consumer dans sa propre ardeur. Une lune qui n’a pas de soleil risque de s’éteindre dans le noir. Ensemble, ils forment une danse millénaire : la lumière qui éclaire le jour, la lueur qui protège la nuit.
Peut-être que chacun de nous porte les deux. Il y a des jours où je me sens soleil : quand je déborde de joie, que je ris trop fort, que j’ai envie de partager. Et puis il y a des jours où je me sens lune : quand je me tais, que je recueille la parole des autres, que je veille en silence.
Nous sommes peut-être à la fois astres flamboyants et satellites patients. La vie nous invite à alterner, selon les moments, selon les rencontres.
Trouver son astre
Au fond, ce que j’ai appris, c’est que l’important n’est pas de décider « ce que l’on est », mais de trouver son astre opposé. Non pas pour se définir par rapport à lui, mais pour s’équilibrer, pour mieux vivre.
Il y a des amitiés solaires, qui nous poussent en avant, qui nous obligent à grandir, parfois même à sortir de notre zone de confort. Et puis il y a des amitiés lunaires, qui nous apaisent, qui nous rappellent que nous ne sommes pas seuls, qui nous offrent une gravité douce quand tout vacille.
Dans l’amour aussi, on retrouve ce couple. Certains couples sont deux soleils : flamboyants, intenses, toujours en mouvement. D’autres sont deux lunes : tranquilles, discrets, tissés de fidélité silencieuse. Mais souvent, c’est la rencontre d’un soleil et d’une lune qui crée la plus belle harmonie. Parce que l’un donne, l’autre reçoit. L’un éclaire, l’autre reflète. L’un flamboie, l’autre apaise.
Ce que je crois
Quand j’écris ces lignes, je sais que ce n’est ni une vérité universelle ni une théorie scientifique. C’est simplement une croyance intime, une image qui m’aide à relire mes propres expériences.
J’ai rencontré des soleils qui m’ont brûlée. J’ai rencontré des lunes qui m’ont sauvée. Parfois j’ai été l’un, parfois j’ai été l’autre. Et si aujourd’hui je partage cela, c’est parce que je crois que nous avons besoin de ces métaphores pour donner sens à nos relations.
Le monde peut être rude. On nous rejette parfois, on nous fait sentir que nous n’avons pas notre place. Mais si je regarde le ciel, si je pense à ces astres, je me dis qu’il y a toujours une complémentarité qui nous attend quelque part. Un équilibre à trouver, une lumière à partager.
Partager ces petites méditations, c’est aussi ma manière de dire que même rejetée quelque part, je continue à chercher la lumière et la résonance ailleurs. Peut-être suis-je parfois soleil, parfois lune, mais je crois que nous avons tous un ciel où trouver notre place.
